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Le kinésithérapeute, allié indispensable de l’aptitude opérationnelle

29 septembre 2025

  • Préserver l’opérabilité d’une unité ne dépend pas seulement de l’entraînement ou du matériel. La santé physique des militaires joue un rôle tout aussi central. Au 3e Bataillon de Parachutistes (3 Para), basé à Tielen et Gavere, c’est le capitaine Yente, kinésithérapeute, qui assure en partie cette mission.

     

    Être kiné à la Défense ne ressemble en rien à un cabinet classique. Les activités spécifiques des « patients » – longues marches, sauts en parachute, tirs ou port de charges lourdes – imposent des postures contraignantes et inhabituelles. « En cabinet civil, on insiste plutôt sur l’ergonomie et la posture au bureau », explique le capitaine. « Ici, on doit apprendre à travailler avec des contraintes différentes et trouver d’autres solutions. »

    Quelles contraintes ? « Le sommeil, l’alimentation ou l’hydratation ne sont pas toujours optimaux. Il y a aussi et surtout une alternance brutale entre des périodes de très forte charge physique, comme une manœuvre, et des périodes sans aucune charge, lors du retour à la maison. C’est l’une des principales causes de blessures. »

     

    Accompagner sur le terrain

    Le suivi ne s’arrête pas à la caserne. Le capitaine accompagne régulièrement les para-commandos en manœuvre, comme récemment en Norvège lors de l’exercice Yellow Condor 25 (Le 3 Para en Norvège : s’adapter, innover, protéger | Defence).

    « En manœuvre, nous travaillons surtout de façon symptomatique. Dans le jargon kiné, on appelle ça un quick fix. L’idée est d’agir rapidement sur la douleur ou la tension musculaire pour permettre au militaire de continuer. On ne traite pas toujours la cause profonde, faute de temps et de moyens. »

    De retour en caserne, le travail s’approfondit : « On peut corriger le problème de fond et éviter sa réapparition. L’avantage de cet accompagnement, c’est de suivre les personnes dans la durée pour compléter ce qui a été fait sur le terrain. »

     

    Un traitement adapté

    « Les blessures les plus fréquentes concernent les surcharges aux membres inférieurs, notamment les douleurs aux genoux et les entorses de cheville. On observe aussi beaucoup de plaintes musculaires aux épaules et à la nuque, liées au port des plaques ou du sac Berghaus », énumère le kiné. « Enfin, il y a les blessures sportives, puisque la majorité des militaires s’entraînent aussi en dehors du service. »

    Le capitaine décrit un mécanisme typique : « Un mauvais mouvement provoque une contracture. Le muscle devient très tendu, douloureux, avec une mauvaise circulation sanguine. C’est donc un cercle vicieux qui s’installe : la douleur accentue la tension, ce qui entraîne moins de circulation et encore plus de douleur. »

    Pour y remédier, il privilégie des techniques antalgiques comme des étirements ou parfois du dry needling (technique qui consiste à utiliser de fines aiguilles pour détendre un muscle contracté et soulager la douleur). « Ce n’est pas une solution à long terme, mais cela permet de réduire la douleur et de maintenir le militaire opérationnel. »

     

    Une proximité idéale

    Au-delà des séances, l’intégration à l’unité permet un suivi quotidien et informel. « J’essaie d’être flexible. Parfois, c’est une question rapide dans le mess, dans le bus ou après un briefing sur la prévention des blessures. »

    Cette proximité se retrouve aussi à la salle de sport : « Beaucoup vont régulièrement au fitness. Je peux alors les accompagner directement, corriger certaines positions ou adapter leurs exercices. »

    Si certains militaires restent d’abord méfiants, le temps et la régularité créent la confiance. Le capitaine conclut : « Ils craignent qu’un kiné ou un médecin leur interdise de continuer un exercice. Mais mon rôle est justement l’inverse : leur permettre de rester le plus longtemps possible sur le terrain, ou d’y retourner au plus vite. »

    Et d’ajouter : « En étant présent à chaque manœuvre, je gagne leur confiance. Ils me connaissent comme kiné, mais aussi comme officier et comme personne. Je connais leurs contraintes, leur fatigue, leur alimentation. Cela rend le suivi plus efficace et adapté à leur réalité opérationnelle. »

    Grâce à la présence de kinésithérapeutes dans l'unité et lors des exercices, les paras sont mieux armés contre les blessures. Si celles-ci ne peuvent être évitées, ils s’en remettent plus rapidement. De cette manière, les kinésithérapeutes contribuent à renforcer la disponibilité opérationnelle du bataillon.

Auteur Camille Henry Photos Clint Soete & Lucia Gaggero